Association québécoise des joueurs de dames


Apprendre - théorie et liens sur le jeu de dames international (100 cases)


Partie analysée (M. Deslauriers vs G. Gagnon) jouée le 28 novembre 1954.

Léo Archambault nous a permis de consulter les archives du jeu de dames, admirablement bien conservées, et auxquelles Roma Lavallée et Arthur D’Argy, avaient jadis collaboré. Des trouvailles extraordinaires ont été faites sur la fabuleuse histoire du jeu de dames canadien. Outre les photos de tous les premiers champions depuis 1867 (!), il y a aussi quantité de parties partielles et complètes couvrant presque la totalité des matchs de championnat du Canada, d’Amérique et du Monde de 1902 à 1963 environ. Nous planifions regrouper le tout en une ou plusieurs publications qui constitueraient à la fois des recueils souvenirs et des outils pour apprendre à jouer car quelques parties sont accompagnées d’analyses.

Dans ces archives nous avons également pu retrouver des données relatives aux championnats canadiens organisés pour le jeu international et dont la première compétition remonte à l’automne 1954. Le premier championnat canadien fut bien sûr remporté par Marcel Deslauriers. Nous avons le bonheur de vous présenter une des premières parties jouées au jeu international pour le titre canadien. Elle oppose Gaetan Gagnon (blancs) à Marcel Deslauriers (noirs) et fut publiée à deux reprises dans les journaux de Montréal. La première fois le 11 décembre 1954 accompagné d’une analyse de Deslauriers dans sa chronique «Pions et Champions», et la 2e fois le 4 juin 1955 dans LaPatrie. Cette fois, l’analyse est de Ben Springer qui publia cette partie dans la prestigieuse revue Néerlendaise « Het Damspel ». Springer est celui qui vint se mesurer à William Beauregard en octobre 1923 et dont les 5 parties au jeu international (moitié du match qui se joua aux deux jeux) sont les plus anciennes connues parmi celles jouées au Canada.

Voici donc la partie avec les commentaires de Ben Springer :

«C’est un fait connu que la plupart des grands sportifs donnent leur meilleure performance chez eux ou dans un milieu qui leur est familier. Pourtant, il y en a quelques uns, aussi bien dans la vie de tous les jours que dans le sport, qui justement donnent leur maximum dans un milieu étranger. On dirait que le fait d’être à l’étranger les encourage à vouloir conquérir un entourage hostile! En exemple typique de ce que nous venons de dire est le cas des deux damistes canadiens M. Deslauriers et R. Dagenais, qui vinrent en notre pays en 1952 en chasse pour conquérir un titre mondial. La renommée de Deslauriers, champion sans rival au damier à 144 cases, l’avait précédé et on s’attendait à beaucoup de lui. Le résultat de leurs performances à tous les deux fut tout à fait à l’opposé de ce à quoi on s’attendait. Deslauriers joua avec un succès mitigé et termina dans le milieu de la liste (9e), mais Dagenais battit notre Roozenburg et fut pendant longtemps en tête de la liste de classement et manqua d’un cheveu le titre mondial! Pourtant Dagenais répéta que son compatriote et ami était certainement aussi fort que lui! Mais …il était plus dépaysé! Que Deslauriers, en effet, est très fort paraît dans la partie expliquée ci-dessous, jouée dans un championnat à Montréal.»

(NDLR: Dans l'analyse ci-contre, nous avons ajouté les commentaires de Deslauriers dans le texte, en italique. Les commentaires de Springer sont en caractères réguliers).
  Tournoi Championnat du Canada, à Montréal
Partie de 2e ronde jouée le 28 novembre 1954
Blancs : Gaetan Gagnon (0)
Noirs: Marcel Deslauriers (2)


1. 32-28 (18-23) 2. 38-32 (12-18) 3. 42-38 (7-12) 4. 47-42 (1-7) 5. 34-30 (20-25) 6. 30-24 Un mouvement agressif et intéressant.
6. … (19x30) 7. 35x24 (14-20) La théorie donne 7. ... (14x19) 8. 40-35 (19x30) 9. 35x24 (17-22) etc., avec un bon jeu pour les N.
8. 28x19 (20x29) 9. 33x24 (9-14) Un début, dans lequel l’action ne manque guère, bien particulier à Gaëtan Gagnon qui adore placer des pions taquins.
10. 38-33 (14x23) 11. 32-28. Sur 12. 33-28 suit (18-22) 28x19 (22-28) 32x23 (13-18), etc.
11. ...(23x32) 12. 37x28 Si au lieu de cet échange les B avaient mis en prise par 33-28 alors (18-22) 28x19 (22-28) 32x23 (13-18) aurait favorisé les N.
12. ... (16-21) 13. 31-26 (18-22) 14. 42-38 (21-27) Installer des pions taquins n’est pas le privilège unique des B. Le dernier coup des N fait entrer cette partie dans une variante complexe.
15. 39-34 (10-14) 16. 44-39 (14-20) 17. 50-44 (20x29) 18. 34x23. Un jeu d’ouverture très vivant.
18. ... (25-30!!) Une sérieuse entrave au développement des B qui devront consentir à un dégagement défavorable ou jouer des coups d’attente qui porteront atteinte à l’équilibre rationnel des forces.
19. 41-37 (5-10) 20. 48-42 (10-14) La mise en prise sur 32 en vue de provoquer le 4x4 est interdite par (13-19) 32x21 (30-34) 40x29 (22-27) 21x32 (17-21) 26x17 (11x22) 28x17 (19x48) etc.
21. 40-34. Et non pas 21. 37-32 à cause de (13-19) 22. 32-21 (18-22) 23. 21x32, etc., et les N font dame.
21. ... (30-35) La fameuse case 35 ou 16 selon le cas dont on dit les Russes friands.
22. 46-41 (15-20!) Si les B font l’échange 44/49-40 alors (20-24) forcera le gain matériel.
Dans l’hypothèse de: 23. 44-40 (35x44) 24. 39x50, réponse (20-24!) etc. On poursuit cela.
23. 45-40 (3-9) Le pion 4 a une grande valeur statique dans la présente situation et doit être gardé en réserve.
24. 34-29 (13-18!) Les N ont longuement hésité entre ce coup et 13-19 qui est possiblement plus fort mais l’un et l’autre contiennent leur part de risques.
25. 37-32 (11-16) 26. 32x21 (16x27) 27. 39-34. Le déroulement 36-31, 26-21, etc. causa la perte des B.
27. ... (9-13) Le jeu de 8-13 est prévenu par 36-31 et 26-21 etc.
28. 44-39 (35x44) 29. 49x40 Les B pouvaient se dégager car si les N jouent pour le coup de dame la suite permet une colle aux B et une continuation avantageuse.
29. ... (13-19?) Une “petite tache” qui fut permise par 34-30, 30-24 et 40-35. Le vrai mouvement était (20-25), après quoi les B étaient foutus.
Il faut considérer ce coup comme une erreur de tactique qui permet aux B le jeu de 30-34. Le coup juste pour les N est 20-25 car sur 41-37 (07-11) 37-31 (14-20) les B ne peuvent exempter la perte du pion.
30. 40-35? Les B manquent leur chance car 34-30 (20-25) 30-24 (19-30) 40-35 (30-34) 39x30 etc. laisse les deux jeux à égalité de pièces et de position.
30. ... (20-25!) Maintenant le filet est refermé!
Les B sont maintenant pris au piège et il leur faut perdre un pion. Mais ils risquent le tout pour le tout et hâtent le dénouement.
31. 34-30 (25x34) 32. 39x30 (27-32!) 33. 38x27 (22x31) 34. 36x27 (18-22!) Sur 34. ... (17-22) 35. 28x17 (19x46) pouvait suivre encore, 36. 29-23 (12x32) 37. 23x03, etc.
35. 27x18 (07-11) 36. 18x16 (17-22) 37. 28x17 (19x46) Un 6x6 préférable au 3x3 également bon.
et après encore quelques mouvements peu importants, les Blancs durent se rendre. De ceci il découle que Deslauriers sait en effet jouer aux dames. La manoeuvre du 18e mouvement surtout fait paraître qu’il a beaucoup de doigté pour les positions! Mais cette partie, il la joua sur son “propre terrain”. (Benedictus Springer).
38. 30-24 (8-13) 39. 35-30 Si 17-12 (14-20) 24x15 (13-18) 12x23 (46x14) gagnent.
39. ... (13-18) 40. 17-12 (18x7) 41. 29-23 (46x19) 42. 24x13 (14-20) N+
Une finale fantaisiste qui cadre bien avec cette drôle de partie. Le championnat canadien sur damier de 100 cases est organisé par le CPSC qui a reçu de la FCAD - AIDA l’autorisation d’aller de l’avant avec cette attraction pourvu qu’elle ne vienne pas en conflit avec d’autres événements importants touchant le damier canadien.

NDLR: Deslauriers allait, l’année suivante, devenir le seul non-Européen à avoir remporté le titre mondial au jeu international (en 1956).




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